Esta noche la Luna sueña con más pereza,
como sobre cojines tendida una belleza
que, acariciando leve con mano distraída
el contorno del seno, se va a quedar dormida.
Sobre su suave espalda con pálidos nublados,
moribunda, se entrega a éxtasis prolongados,
y pasea sus ojos por las blancas visiones
que en el azul ascienden igual que floraciones.
Cuando sobre este mundo su languidez ociosa
deja caer alguna lágrima silenciosa,
un poeta piadoso, enemigo del sueño,
en su mano recoge esta lágrima fría
como un fragmento de ópalo que al iris desafía,
y de ella al solitario corazón hace dueño.
Tristesses de la lune
Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,
Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.
Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,
Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.
Charles Baudelaire
Francia, 1821